On peut être à la fois une référence dans le milieu de l’Ultra mais aussi un grand philosophe, voici donc le génialissime Vincent!

Pourquoi la course à pied et plus particulièrement l’Ultra?
Je suis comme Obélix, tombé dedans quand j’étais petit. Mon père courait (et court toujours). J’ai commencé en poussin juste avant l’âge de 8 ans. J’ai fait toutes les catégories. Au début, j’allais à l’école d’athlétisme de l’Entente Sportive de Bruges près de Bordeaux. On faisait du saut, du lancer, du sprint, du demi-fond mais j’étais irrésistiblement attiré par la course si possible longue. Comme par ailleurs, nous passions tous nos week-ends à Lacanau sur la cote Atlantique, mon père m’a très rapidement initié à l’endurance en forêt.

Et là, tout a démarré.

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En 1978, mon père a couru les 100km de Belvès. Ca me paraissait fou d’autant que j’avais le souvenir de ses précédentes histoires de brevet Audax à la marche. Mais il est revenu content et vivant (malgré mes craintes). L’année suivante, je suis allé à Belvès le voir. En 81, nous étions aux 100km de Millau pour la 10ieme édition. J’y croisais Bellocq, Gaudin, Cottereau et tous mes idoles de l’époque. En 86, j’ai fait Millau. J’avais pas encore 19 ans. Après j’ai basculé sur le « rapide » (10km, semi…) puis le triathlon où j’ai pas mal tourné à une époque.

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Mais régulièrement je revenais à Millau. Et en 2003, j’ai définitivement basculé dans l’Ultra par la course, l’écriture et toute la démarche extra-sportive que j’ai mise dans cette pratique.

Comment en es tu venu à faire la Badwater?
Je suivais cette course chaque été sur le Net depuis 2003. En mai 2007, je suis passé en voiture dans le coin avec Nathalie, mon épouse. Nous avons remonté tout le parcours et je dois dire que cette idée m’amusait pas mal. Jusque là je trouvais cette course effrayante et surement déraisonnable. Pourtant j’ai été fasciné par le décor et j’ai compris que c’était là que je pourrais le mieux pratiquer ce que j’aime : utiliser mon corps pour transporter mon esprit vers des équilibres fragiles et doux, partager cette aventure avec une équipe de gens que j’aime, magnifier les instants de la vie et surtout essayer de faire un beau projet avec plein de belles rencontres autour. Tout est encore en l’état si j’ose dire sur http://objectif.badwater.free.fr

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Suis tu des plans d’entraînement spécifiques ou ton expérience te suffit-elle à préparer tes objectifs ?
Aucun plan, aucun cardio, aucun GPS. L’envie et le plaisir sont mes seuls guides. Mais je reconnais que cela est possible grâce à une bonne connaissance de soi et une pratique pas exclusivement tournée sur l’exploitation totale d’un potentiel. C’est sûr, je reste compétiteur mais comme peut l’être un gamin qui joue à la course. Ce qui m’importe c’est une sorte de quête d’esthétisme : avoir un beau geste, être en équilibre et en harmonie avec les gens et la nature qui m’entourent. Bref, essayer de remettre la course à sa juste place c’est-à-dire une des choses dans ma vie mais pas la seule ou la plus importante.

Comment concilies tu ton boulot avec tes sorties souvent longues (j’imagine)?
Bon ma réponse précédente doit donner des pistes. Je fais en sorte prioritairement que ça n’empiète ni sur la vie familiale ni sur les activités professionnelles. Et puis aussi que ça m’empêche pas de refaire le monde en buvant des binouzes avec les copains. Bref, tout un programme…
Ensuite, je cours souvent mais peu. En préparation, je peux faire des semaines chargées mais je m’arrange pour prendre des après midis de RTT pour caser des sorties allant de 3 à 4h30.
Sinon, je fais comme je peux. Je cours le matin avant que la maison ne se réveille. Je cours deux fois le midi à l’heure du repas, en cela j’ai un vrai confort. Et le week-end, je case deux sorties quand c’est le plus opportun.

Où se trouve ton parcours préféré pour courir ?
Dans une interview-portrait pour Ultrafondus, j’avais répondu l’endroit où je suis. J’aime courir. C’est viscéral. Presque animal ou charnel. C’est une façon de s’imprégner d’un endroit. C’est sûr que parfois, je cours des endroits pas très fun ni très sexy. Mais j’essaie d’y trouver quand même du plaisir.
Quand je suis en mission, j’essaie de découvrir en courant le matin tôt les endroits où je suis. J’ai fait de belles sorties de cette façon.
Mais sinon, j’ai des parcours de folie à Lacanau. J’y cours seul quand j’ai besoin de me ressourcer. Et quelque soit ma forme du moment, je sais que je vais y trouver des vrais moments de légèreté. J’aimerais un jour organiser une session de 3 jours là bas pour partager mes plus beaux parcours. Tiens, peut être une idée à creuser…

Tu préfères courir en club ou seul dans ton coin?


Je suis licencié à l’U.S.Colomiers depuis janvier 2011 mais j’étais très gêné vis-à-vis du club car je n’ai pas le temps d’aller aux entrainements et je me sentais un peu consommateur de club. Mais les responsables ont bien compris mes contraintes et à l’occasion je fais mon possible pour renvoyer l’ascenseur.
Après je cours ou seul ou en groupe quand l’occasion se présente ce qui est souvent le cas. Lors du projet Badwater, nous avions un soutien de la ville de Colomiers. Dans ce cadre, je proposais à qui voulait de me rejoindre dans un parc de la ville lors de mes sorties longues. Petit à petit, un noyau de copains-coureurs s’est constitué et certains se sont même lancés dans les 100 bornes à Millau. J’étais super content.

Quel est ton plus grand souvenir de coureur ?
J’en ai plein… Je pourrais dire la Badwater mais c’est plus un souvenir bouleversant d’une aventure humaine.
Sinon comme coureur, des courses où j’ai eu la sensation d’aller très vite, un 5000m lors des interclubs de 1992, mais non vraiment, je ne sais quoi dire.
Tiens, peut être les 100km de Millau en 1996. Je venais juste de soutenir ma thèse de Doctorat. J’avais pris le départ sur un nuage et euphorique mais avec un entrainement minimal du fait de la soutenance. Mais j’étais jeune et encore très rapide. J’étais parti « gourmand », 3h10 au marathon, et dans la cote du km50 je m’étais arrêté pour réparer le vélo de mon père qui me suivait. J’avais fini en 8h55. Il faisait chaud mais j’avais couru facile tout le long. Je garde un grand souvenir de ce jour là.
Sinon aussi ma première place sur la Mini Mil Kil, 200km entre Rodez et Sète, en 2009. Nous étions avec toute l’équipe en répétition de la Badwater. Les paysages y étaient très beaux, l’organisateur JBJ un mec super et dans tout ça, les rapports humains étaient fluides. Tout avait roulé facile et joyeux…
Et puis, il m’arrive souvent de m’extasier devant un beau paysage, un lever de soleil, une odeur de pins. Ca reste là aussi de beaux souvenirs de course mais au sens « courir ».

Ta 1ère course c’était où et à quelle occasion?
C’était un cross en novembre 1975 organisé par l’école d’athlétisme. J’avais pas encore 8 ans et j’avais fini 2ieme… sur 4 !! Ensuite le 1er décembre de la même année, j’ai fait mon premier grand cross, celui du journal Sud-Ouest à Gujan-Mestras. J’étais mort de trouille car à l’époque le cross était très très populaire et on était 300 gamins au départ. J’avais fini 122ieme sur 234. Je m’en suis toujours souvenu. Je me souviens encore des bronches en feu et de l’odeur des grillades derrière la zone d’arrivée.
Bah, j’attaque ma 37ieme saison de course. Ca me fait drôle d’écrire ça…

As tu un modèle de sportif et pourquoi lui ou elle?


Aucun modèle coté champion au sens commun du terme. Souvent des anonymes m’épatent. Mais ce qui m’inspire vraiment ce sont des histoires Humaines de gens qui se donnent dans leur vie, qui vivent leur rêve et vont au bout d’un projet. Et puis des musiques, des lectures, des films, le souvenir de moments partagés me motivent. Bref, la vie en somme enrichit ma course. Et inversement, la course enrichit ma vie.

As-tu un objet essentiel ou un porte bonheur ?


Bon là, je vais faire une révélation. J’ai effectivement un slip fétiche. En fait, c’est le maillot de bain de triathlon que je portais lors de ma meilleure saison en 1992. Il a depuis été de toutes les campagnes. Pour la Badwater, j’avais acheté un slip australien noir. Le truc qui maintient bien mais qui frotte pas, bref la Rolls du sous-vêtement. Mais avant de partir prendre le départ, j’ai craqué. Je me suis déshabillé et j’ai enfilé le slip collector porte bonheur sous l’australien. J’ai donc couru la Vallée de la Mort très très bien équipé de ce point de vue. En plus, ça tombait bien, il faisait 50°C à l’ombre et je portais trois épaisseurs… Inutile de dire que depuis cette course, la valeur du dit slip est montée en flèche…
Bon sinon, j’aime bien avoir le n°67 en course. Je suis né en 67…

Un conseil pour ceux qui débutent ?


Faites vous plaisir et essayez d’être clair sur votre quête…
Apprenez par vous-mêmes, soyez curieux, lisez, questionnez… Mais c’est vous-mêmes qui trouverez ce qui vous convient.

Quel est ton rêve ou la course mythique à laquelle tu rêves de participer et pourquoi ?


J’aimerais continuer à courir avec plaisir encore très longtemps.
Après, il y a des courses partout et toutes sont surement formidables. C’est fou d’imaginer toutes ces choses à coté desquelles on passe : les livres qu’on ne lira jamais, ces musiques qui ne tomberont jamais dans notre oreille… Les courses, c’est surement pareil.
Tiens en juillet dernier, je suis allé courir un trail de 100km, le Vendée Ultra Trail. J’en garde un super souvenir, une course intimiste dans un décor de rêves où la performance sportive passait au second plan.

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Quelle est ta performance dont tu es le plus fier?
C’est par vraiment une performance. C’est une anecdote. Avant la Badwater, j’avais mené des actions dans un collège de Colomiers avec le département Education-Jeunesse du Cnes. J’avais vu les élèves de 3ieme à plusieurs reprises. Ils avaient même fait une rando-course de 20km !… Peu avant que nous partions en Californie, les élèves avaient été interviewés par la Dépêche du Midi. A la question « Que rapporte cette course à Vincent ? », ils avaient répondu « Rien. Du rêve et du plaisir ». Cette réponse m’avait beaucoup touché et dans les moments difficiles de la course, j’y avais souvent pensé.

Quel regard portes tu sur les courses d’aujourd’hui?
Bah, les choses changent, c’est évident. Je me réjouis de voir le nombre de pratiquants qui va croissant. Mais je déplore le coté consumériste : ces gars qui râlent parce que le tee-shirt offert n’est pas assez technique, ces courses qu’il devient de bon ton d’exhiber dans un cadre au dessus du bureau. Et puis surtout, cette habitude d’avoir recours à toutes ces saloperies : un petit anti-douleur, un gel machin, une poudre truc… Quand j’entends des coureurs penser à trouver un nouveau gel parce que le gel machin leur file la nausée, je me dis qu’ils oublient de se demander si le gel n’est pas de trop, tout simplement. Je suis très fier d’avoir bouclé tous mes ultras depuis plusieurs années sans aucune molécule synthétique : ni nourriture, ni boisson et encore moins un quelconque bout de paracétamol ou ibuprofène.
Et puis parfois, il me semble que les coureurs oublient que faire un ultra, c’est magique. Ce n’est pas automatique, ce n’est pas parcequ’ils ont acheté les chaussures bidule, les gels machin et suivi le plan truc acheté auprès d’un coach qu’ils vont trouver le bonheur. Il me semble qu’il faut aussi voir la magie de la chose, sa beauté et son coté incroyablement précieux. Se laisser aller à son instinct, à la simplicité de la chose…
Bon voilà pour le coté, « c’était mieux avant ». Mais il y a aussi de belles courses qui naissent, des formats longs sur route comme j’affectionne. Ca, ça me réjouit vraiment. Et puis, sur les courses que je fais -je ne suis pas très trail- les coureurs sont dans l’ensemble très abordables et sans prise de tête. On y passe de bons moments ensemble.

Que faudrait-il faire pour revenir aux courses plus conviviales et moins commerciales?
Les deux ne me semblent pas incompatibles. Les organisateurs font eux leur course. C’est bien eux qui donnent la tonalité à toute l’histoire. Pour autant, ils ont besoin des partenaires. Mais ils ne sont pas mariés avec. Si ça colle pas, il est souvent possible d’en changer.
A ce sujet, depuis 2008, je suis en contrat avec Brooks. Et puis, pour la Badwater, j’avais besoin de partenaires pour réunir le budget. Mais je n’étais pas prêt à tout accepter. D’ailleurs, je me reconnais bien dans la philosophie Brooks. Ils ont une gamme cool et sympa et ils ne me mettent aucune pression.

Ton prochain objectif c’est quoi et où?


Sans doute les 100km de Saint-Estève en novembre 2011. J’ai fait une saison light cette année. Mais 2012 et 2013 devraient réserver quelques belles surprises…